Des hommes courent dans la montagne
Les 7 clés de l’entraîneur de l’équipe de France de Basket

Eurobasket 2013: les sept leçons de management du coach Vincent Collet

Si Tony Parker est le meneur de jeu de l’équipe de France de basket, Vincent Collet est le meneur d’hommes grâce auquel les Bleus sont devenus champions d’Europe le 22 septembre dernier à Ljubljana (Slovénie). Choix des joueurs, aide à la concentration, gestion des egos et des jalousies… Pour L’Entreprise, le coach livre les clés d’un succès historique.


« Talent, confiance, expérience » sont les ingrédients du triomphe des Bleus en Slovénie, résume Vincent Collet, son coach et sélectionneur, également entraineur de Strasbourg Illkirch-Graffenstaden Basket (Pro A-1ère division). Mais la victoire est aussi le résultat d’un long travail de construction d’équipe dont il a été la cheville ouvrière depuis 2009. Les méthodes d’un manager sportif qui a su hisser un collectif au sommet de l’Europe après 11 matches disputés en 18 jours.

1. Rotations calculées

Lors des sélections, j’opte pour les 7 ou 8 meilleurs joueurs mais après je choisis en fonction de la complémentarité des profils, ce qui est âprement discuté dans le staff. Nos fans internautes nous critiquent, mais moi je vois l’efficacité d’un fonctionnement global. En outre, sur le banc, j’aime bien avoir un 6ème et un 7ème joueur qui soit capable d’inverser la tendance, de secouer le cocotier. Si les équipiers au caractère plus défensif sont sur le parquet et que le match est mal parti, j’ai intérêt à avoir d’autres types de joueurs que des suiveurs sur le banc. Antoine Diot est ainsi un superbe « energizer » et Nando de Colo est un attaquant qui n’a pas peur. Ils sont capables à eux-seuls de relancer l’équipe.

2. Canalisation des émotions

En phase de préparation, on visionne tous nos matchs précédents afin de s’améliorer et de renforcer les points positifs. Bien sûr on aborde le côté tactique – en quart de finale à Ljubljana, le choix du repli défensif face aux Slovènes très rapides était primordial – mais aussi le côté mental dans l’approche de la rencontre. Car en finale, l’équipe adverse a elle aussi un surcroît de motivation, elle fera plus d’efforts, il y aura donc moins de passes faciles. Il ne faut rien lâcher ! J’ai alerté les joueurs : attention à ne pas rêver, à ne pas imaginer déjà la scène magnifique de la victoire. Ils doivent alors brider leurs émotions et se concentrer sur les consignes. J’extrais les joueurs de la pression du résultat.

3. Décisions partagées

J’aime bien avoir l’avis des cinq joueurs majeurs pour définir une ligne de conduite avant une rencontre, car au final ce sont eux les experts, eux qui évoluent sur le parquet. Et cela leur permet de s’approprier le sujet. Je consulte ainsi souvent Boris Diaw (capitaine, joueur « intérieur »), Tony Parker (« meneur de jeu »), Nicolas Batum (« ailier), Mickaël Gelabale (« ailier »), Alexis Ajinça (« pivot »). Nos avis divergent parfois, mais la plupart du temps on est d’accord. Il m’arrive aussi d’interroger les autres. J’ai ainsi longuement discuté avec Florent Pietrus (capitaine de la défense et « intérieur ») sur les aspects défensifs du jeu. Car il y a plusieurs façons de défendre, et il fallait que le plan de jeu soit cohérent. Il m’a livré son opinion de spécialiste sur cette question.

4. Humilité des stars

La particularité de l’équipe de France, c’est qu’elle compte des joueurs, vedettes dans leur club durant toute l’année, avec un statut particulier. Il y a deux ans, je leur ai expliqué à tous : « ici il y a douze joueurs et les douze ne peuvent pas être des leaders, parce qu’il existe une hiérarchie. » Ce que je demande aux remplaçants, ce n’est pas d’être bons ni performants mais d’être utiles. Pour que l’équipe fonctionne, il faut que ces derniers acceptent ce rôle parfois frustrant. Il est hors de question qu’ils jouent leur jeu ou qu’ils se fassent plaisir en cherchant à marquer s’ils ont pour mission de défendre, de faire écran à l’adversaire. Sinon, l’équipe s’éparpille. Ils ne sont pas là pour briller mais pour contribuer à l’action sur le terrain. Par ailleurs, Tony, l’un des cinq meilleurs joueurs de basket au monde, m’écoute. Il aime savoir, comprendre les choses et il exploite bien de ce que je lui dis.

5. Relayeurs de messages

Tout ne doit pas venir du coach ! Certains joueurs ont un tel vécu, qu’ils apportent leur expérience aux autres et il faut s’appuyer dessus. Ainsi, le capitaine est un élément essentiel. C’est Boris Diaw qui a le « brassard ». Il a un caractère généreux. Empathique, il s’implique dans le groupe tout en étant tourné vers le staff technique. Il est un magnifique relais entre nous et les joueurs. Avant l’Euro, durant l’entrainement, on a vécu deux mois tous ensemble (sauf une coupure de trois jours). Il n’hésitait pas à me voir : « coach, ce serait bien que ce soir on mange en ville ». Il sentait quand l’équipe avait besoin de retrouver son souffle. En outre, il a cette aptitude à transmettre l’essentiel aux plus jeunes: la constance, la capacité à rebondir vite après une défaite ou une victoire, la maitrise des émotions. De son côté Tony n’hésite pas à reprendre ma parole, il renforce mon discours: » Ce que dit Vincent est important, il faut écouter, on a besoin que tout le monde le fasse ». Et il est capable d’aller le répéter le soir dans les chambres.

6. Débriefings à froid

A chaud, je prends cinq minutes pour parler dans les vestiaires du match qui vient de s’achever. Pas plus longtemps, car je ne veux pas être excessif. J’évite de trop rentrer dans les détails, j’ai besoin d’objectiver ma perception. C’est le lendemain (ou le soir même), avec le staff technique que j’évalue les performances. Au calme, je peux visionner les séquences au ralenti et relativiser. Puis je fais un compte-rendu à l’équipe, parfois différent de ce que j’ai vu la veille. « Ce n’est pas si mal » ou « On est chanceux d’avoir gagné, car on n’a pas été bon ! ». Ensuite, on revoit tout ça à l’entrainement sur le terrain pour corriger les erreurs commises.

7.Recadrages en continu

J’opère des réglages assez fins au fil des compétitions et en cours de match. Par des entretiens collectifs et individuels. Je précise ce que j’attends. On peut recadrer quelqu’un sur une faute, un mauvais comportement en étant assertif, pas besoin de l’engueuler. Il suffit de trouver les mots justes. Par exemple, cet été j’ai dû faire comprendre à l’équipe lézardée par des jalousies que Tony ne s’entrainait pas tel ou tel jour afin qu’il puisse récupérer de sa saison. C’était l’intérêt général. Par ailleurs le feedback concerne aussi Tony. Avant que j’arrive à la tête des Bleus, il avait tendance à écraser les autres. Il fallait qu’il leur donne la capacité de s’exprimer et qu’il s’économise. Du coup, par la suite il s’est parfois trop effacé. Contre l’Espagne, lors de la demi-finale de l’Euro, il a su s’ajuster : à la première mi temps, il a marqué 70% des points quand l’équipe était en difficulté et à la seconde, quand l’équipe allait mieux, ce sont les autres qui ont marqué les points.

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